Dans de nombreux lycées on voit les langues anciennes disparaître au
fur et à mesure que le ministère décide un effectif minimum de plus en plus
élevé pour les options. Ainsi cette année, il est passé de 8 à 12 élèves. De
toute part on entend réduction des postes. Alors forcément les options,
notamment les langues anciennes, apparaissent bien souvent comme inutiles. On
les montre du doigt. Au lycée Louis Lapicque, disparait ainsi pour l’année
prochaine, l’option de grec ancien. Néanmoins, les professeurs de langues
anciennes se proposent d’animer un club helléniste pour contrer ce désastre.
Mais c’est sans doute oublier à quel point les langues anciennes sont
riches d’un savoir que l’on risque de perdre, ce retour à nos racines qui est
des plus importants dans le monde d’aujourd’hui.
De plus, les amoureux des langues mortes, ne sont pas près à
abandonner le combat. Mais leur nombre reste peu élevé et leur cri, peu
médiatisé, se perd. L’une des plus
virulentes ambassadrices de l’hellénisme, Jacqueline de Romilly, est décédée en
fin 2010. Les langues mortes ainsi affaiblies, on en profite pour les attaquer
d’avantage, les rendre plus vulnérables. Certes « il n’y a pas de langues
mortes ; il n’y a que des langues qu’on a voulu tuer »(GM) ; mais n’est ce pas, tout de même, la seconde mort du latin et du grec que l’on
prépare ?
Les trois professeurs de langues anciennes du lycée Louis Lapicque
considèrent la suppression du grec comme une injure. Mais il en faut plus pour
les arrêter. Et s’ils montrent leur indignation, ils n’en abandonnent pas pour
autant le combat. Entretien avec Mme Champagne.
Quelle a été votre réaction
quand vous avez appris la suppression de l’option Grec au lycée Louis
Lapicque ?
J’ai été peinée
pas étonnée car c’e décision qui fait partie d’un processus, contre
lequel on se bat depuis longtemps, qui vise à réduire le coût des enseignements
en essayant de supprimer ceux à petits effectifs. J’ai aussi éprouvé une
certaine colère car c’est une décision seulement économique, alors que les
petits groupes existent depuis longtemps. Si j’étais peinée et en colère
c’était pour les élèves que cette décision pénalise (le rectorat a décidé que
toute option serait supprimée en seconde s’il y avait moins de douze élèves
inscrits or nous comptions neuf élèves en grec cette année). Et aussi parce que
je me souviens que quand j’étais en terminale nous n’étions que deux en grec.
Or si on avait supprimé l’option à ce moment-là je ne serais pas devenue prof
de langues anciennes, un métier que j’adore. Cette décision empêche les élèves
motivés d’apprendre le grec. Et ces élèves nous les connaissons ; ils
existent. Le jour des portes ouvertes du lycée, plusieurs ont exprimé l’envie
de faire du grec. Nous répondre qu’il y a du grec à Epinal dans un autre lycée
ce n’est pas un argument pour nous. Certains élèves viennent en train et
trouvent plus facile d’aller au lycée proche de la gare. Le service public ne
doit écarter personne sur le territoire. Alors nous, nous avons envie de
continuer. D’où le club.
Justement, pouvez-vous nous en
dire plus sur ce club ?
L’année prochaine nous proposerons l’apprentissage
du grec (langue et civilisation) à ceux qui le veulent même aux débutants. Nous
serons trois professeurs pour animer ce club. En début d’année sur consultation
des emplois du temps des élèves volontaires et des nôtres, nous établirons un
planning et nous proposerons jusqu’à deux heures de cours par élève. Nous nous
adapterons. Et ceux qui veulent vraiment apprendre la langue auront la
possibilité de présenter le grec au bac en candidat libre. Sachant que pour le
bac, s’ils n’ont pas une autre option facultative, les points au dessus de 10
sont multipliés par trois. Ce club sera tout-à-fait officiel puisqu’il sera
rattaché au FSE. Quel que soient les décisions prises plus haut, il y aura
toujours des élèves motivés. Et il ne faut pas oublier que partout où il y a un
prof de lettre classiques il y a du grec !