lundi 4 juin 2012

Vers la disparition des langues anciennes



Dans de nombreux lycées on voit les langues anciennes disparaître au fur et à mesure que le ministère décide un effectif minimum de plus en plus élevé pour les options. Ainsi cette année, il est passé de 8 à 12 élèves. De toute part on entend réduction des postes. Alors forcément les options, notamment les langues anciennes, apparaissent bien souvent comme inutiles. On les montre du doigt. Au lycée Louis Lapicque, disparait ainsi pour l’année prochaine, l’option de grec ancien. Néanmoins, les professeurs de langues anciennes se proposent d’animer un club helléniste pour contrer ce désastre.
Mais c’est sans doute oublier à quel point les langues anciennes sont riches d’un savoir que l’on risque de perdre, ce retour à nos racines qui est des plus importants dans le monde d’aujourd’hui.
De plus, les amoureux des langues mortes, ne sont pas près à abandonner le combat. Mais leur nombre reste peu élevé et leur cri, peu médiatisé,  se perd. L’une des plus virulentes ambassadrices de l’hellénisme, Jacqueline de Romilly, est décédée en fin 2010. Les langues mortes ainsi affaiblies, on en profite pour les attaquer d’avantage, les rendre plus vulnérables. Certes « il n’y a pas de langues mortes ; il n’y a que des langues qu’on a voulu tuer »(GM) ;  mais n’est ce pas, tout de même,  la seconde mort du latin et du grec que l’on prépare ?


Les trois professeurs de langues anciennes du lycée Louis Lapicque considèrent la suppression du grec comme une injure. Mais il en faut plus pour les arrêter. Et s’ils montrent leur indignation, ils n’en abandonnent pas pour autant le combat. Entretien avec Mme Champagne.

Quelle a été votre réaction quand vous avez appris la suppression de l’option Grec au lycée Louis Lapicque ?
J’ai été peinée  pas étonnée car c’e décision qui fait partie d’un processus, contre lequel on se bat depuis longtemps, qui vise à réduire le coût des enseignements en essayant de supprimer ceux à petits effectifs. J’ai aussi éprouvé une certaine colère car c’est une décision seulement économique, alors que les petits groupes existent depuis longtemps. Si j’étais peinée et en colère c’était pour les élèves que cette décision pénalise (le rectorat a décidé que toute option serait supprimée en seconde s’il y avait moins de douze élèves inscrits or nous comptions neuf élèves en grec cette année). Et aussi parce que je me souviens que quand j’étais en terminale nous n’étions que deux en grec. Or si on avait supprimé l’option à ce moment-là je ne serais pas devenue prof de langues anciennes, un métier que j’adore. Cette décision empêche les élèves motivés d’apprendre le grec. Et ces élèves nous les connaissons ; ils existent. Le jour des portes ouvertes du lycée, plusieurs ont exprimé l’envie de faire du grec. Nous répondre qu’il y a du grec à Epinal dans un autre lycée ce n’est pas un argument pour nous. Certains élèves viennent en train et trouvent plus facile d’aller au lycée proche de la gare. Le service public ne doit écarter personne sur le territoire. Alors nous, nous avons envie de continuer. D’où le club.

Justement, pouvez-vous nous en dire plus sur ce club ?
L’année prochaine nous proposerons l’apprentissage du grec (langue et civilisation) à ceux qui le veulent même aux débutants. Nous serons trois professeurs pour animer ce club. En début d’année sur consultation des emplois du temps des élèves volontaires et des nôtres, nous établirons un planning et nous proposerons jusqu’à deux heures de cours par élève. Nous nous adapterons. Et ceux qui veulent vraiment apprendre la langue auront la possibilité de présenter le grec au bac en candidat libre. Sachant que pour le bac, s’ils n’ont pas une autre option facultative, les points au dessus de 10 sont multipliés par trois. Ce club sera tout-à-fait officiel puisqu’il sera rattaché au FSE. Quel que soient les décisions prises plus haut, il y aura toujours des élèves motivés. Et il ne faut pas oublier que partout où il y a un prof de lettre classiques il y a du grec !

Propos recueillis par A.R